L’histoire du F-CCFV
L’affectation
Le CCFV, ou Breguet 904 S n°12 est sorti des usines Breguet à Aire-Sur-Adour au mois de mars 1959.
Lors de la pesée du 1er avril 1959, le planeur disposait des équipements suivants:
- 2 compas Vion type 14
- 1 radio VHF Artus Dessoubre – Bon là il faudra que je change 8.33 oblige! Pas besoin donc de m’en refourguer une -.
- 2 contrôleurs de vol Vinot type 50
- 2 anémomètres Badin type 101 – 25.11
- 1 Altimètre Jaeger 212.2
- 1 Altimètre badin type 40
- 2 Variomètres Badin type 100
- 2 régulateurs d’oxygène Bronzavia
Il est d’abord affecté au centre de la Montagne Noire à Revel par l’ordre d’affectation n°57 EMCM du 23 mars 1959. Malheureusement la machine se trouve déjà à Saint-Auban (certainement du fait un autre ordre d’affectation). Le centre dispose donc d’un planeur neuf qui ne lui est pas affecté!
Le FV entre dans les centres nationaux juste après un incident survenu sur un autre 904 (rupture d’une chape inférieure de l’aileron gauche). Aussi il est interdit de vol dès le 24 mars 1959 par le chef de centre de Saint-Auban, en attendant que soit scellé son sort.
Les joies de l’administration étant ce qu’elles sont, et comme les serviteurs de l’état ne sont pas tous débiles, un contre-ordre arrive affectant définitivement le FV à Saint-Auban.
Les chapes d’ailerons sont changées, et à compter du 15 avril date à laquelle son laissez-passer arrive, il peut officiellement aller se dégourdir les ailes…
Le 28 avril 1959, le FV reçoit son certificat de navigabilité n°36656.
Un incident qui aurait pu avoir des conséquences plus que fâcheuses
La vie du FV n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Il a même failli terminer brutalement sa carrière le 26 octobre 1961.
Voici la retranscription du compte rendu de l’incident dont a été victime Georges Réal alors moniteur au Centre National de Vol à Voile de Saint-Auban:
« Jeudi 26 octobre 1961 à 14 h 20, je décolle en remorqué sur le Br 904 n°12 F-CCFV
L’élève assure le pilotage de la machine.
Remorqué à 2000 m. QNH verticale Digne. Exploitation d’un faible mouvement ondulatoire par vent Sud-Est sous le vent du Cousson. Aux environs de 3500 m QNH, la plage ascendante devenant très étroite, je prends les commandes et j’entame une série d’évolutions en huit (8). Le vol est très calme (écoulement laminaire): après quelques manœuvres, je me rends compte que pour chaque action au palonnier il y a une légère réaction au manche (sens profondeur), action palonnier à droite légère réaction manche arrière et inversement.
Le vol terminé, je signale cette anomalie au mécanicien, lequel fait procéder aux recherches sur les causes de cette interférence. »
« Le vendredi 27/10/61, à la demande d’une vérification du planeur précité, après vol du 26/10/61 par M. Réal moniteur, au sujet d’une interférence entre direction et profondeur et d’un bruit de frottement anormal, il a été constaté ce qui suit:
Le câble de direction de gauche était accroché entre les deux roulements de la potence mobile de relais de profondeur fixé à la base du fuselage et située entre les cadres n°16 et 17. »
Bon là, c’est pas forcément clair pour tout le monde, et comme un beau dessin une belle photo retouchée vaut mieux qu’une longue explication…
Poursuivons: « Le frottement du câble sur la potence (en AU4G) a provoqué sur cette dernière, une usure en trait de scie, d’une profondeur d’environ 50% de la section, risquant ainsi de provoquer une coupure définitive de la timonerie de profondeur.
Les deux câbles de direction, simplement mis en tension par le sandow de palonnier, présentent un mou important et n’ont aucune garde de retenue latérale, ni guides de translation intermédiaires.
La réalisation de portes de visites serait souhaitable et il demeure urgent de guider les câbles de direction, pour éviter tout frottement ou coup de fouet à l’intérieur du fuselage.
Au sujet de cet incident, plusieurs éventualités peuvent être envisagées:
- Coup de fouet du câble en turbulence , en vol,
- Coup de fouet du câble à l’atterrissage
- Coup de fouet du câble en manutention au sol attelé à une Jeep
- Lorsque le fuselage est retourné et en réparation aux ateliers,
La date de remise en piste de ce planeur après réparation se situe au 18 juillet 1961.
Nombre d’heures de vol à partir de cette date jusqu’à l’incident: 85 heures 12.
Date de la dernière visite générale: 26/09/61.
A la lecture de ce qui précède on peut dire que l’équipage a eu chaud aux fesses. Il aurait pu perdre la profondeur en vol avec les conséquences que je vous laisse imaginer dont l’heureuse conséquence pour vous: saut en parachute, pas de planeur donc pas de site, et par conséquent vous auriez échappé à la lecture de tous ces trucs historiques ennuyeux au possible… CQFD!
Le 6 novembre suivant le Bureau Véritas retient les hypothèses A et D formulées par le mécanicien.
Dès lors, des tractations vont débuter dans le but de modifier la cellule afin de rendre visible les câbles de commande de direction. La proposition de découper dans le fuselage une trappe de visite est sérieusement étudiée (y a même un gars qui a fait trois plan magnifiques).
Le 8 décembre 1961, d’après le représentant du bureau d’études Breguet, il s’agirait d’un mauvais montage du câble de direction qui aurait occasionné l’incident. De plus, la solution proposée n’est pas agréée par le bureau d’étude, les câbles étant visibles depuis la place arrière du pilote. L’histoire en restera là et les deux trappes prévues ne seront jamais montées sur aucun Breguet 904.
La GV
Le Fox Victor (FV) reprend l’air sans incident notoire jusqu’au 1er juin 1962, date à laquelle sur demande du SFA, son potentiel avant Grande Visite (GV pour les intimes) est prolongé de 700 à 900 heures. Un nouvel accord est trouvé avec le bureau Véritas en août 1962, les 900 heures approchant à grands pas, il est de nouveau prolongé jusqu’à 1000 heures.
Finalement l’appareil entrera en GV le 18 juin 1963 avec 1000 h 10 (ils ont dépassé le potentiel les vilains!). Il sera convoyé dans les ateliers de Castelnaudary, où il sera examiné sous toutes ses coutures (je ne donne pas le détail ça pourrait être fastidieux et puis ça gênerai le FV qui est très pudique)… Bon bref, le planeur ne sortira des ateliers que le 10 septembre 1964. Non non je n’ai pas fait d’erreur, la GV aura duré plus d’un an!
Le FV est cassé : c’est la faute de Jean-Claude et René!
Le Breguet regagne donc Saint-Auban et l’azur alpin. Hélas début juillet 1965, c’est le drâme! Au cours d’une manœuvre dans le hangar l’empennage heurte plutôt durement une ferme.
Je n’ai pas de détail des circonstances mais j’imagine bien un Jean-Claude et un René (prénoms choisis au hasard et non représentatifs d’une quelconque réalité) rentrant vaillamment le 904 quand soudain ils sont arrêtés par un choc aussitôt suivi par un craquement sinistre. Oups…, vite on regarde ce qui a produit ce bruit bizarre et là, stupeur on observe la dérive, la ferme du hangar, la dérive décollée du fuselage, la ferme qui n’a même pas eu mal (la vie est décidément bien injuste!), la dérive,… puis on pense à l’engueulade que l’on va prendre. Impossible de camoufler le forfait, la vilaine dérive est bien décollée et ne veut décidément pas reprendre sa place d’origine. Bon quand faut y aller… « Chef, vous allez rire, … enfin non, vous allez comprendre le hangar s’est jeté sur le Fox Victor! »
Plus sérieusement, le planeur sera réparé et remis en ligne de vol le 10 août 1965
Une suite de carrière bien tranquille
La suite de l’histoire de notre F-CCFV est plus classique, il est remis en état de vol et volera encore beaucoup à Saint-Auban.
En 1966, le saumon d’aile gauche est trouvé déformé lors de la visite annuelle, et les bords de fuites des gouvernes sont légèrement abîmés. Rien de grave.
Seconde RG
Début janvier 1968, le FV est en attente de modification de la timonerie d’ailerons. Il sera ensuite convoyé vers Castelnaudary ou il subit une révision générale qui se terminera le 7 novembre 1969, date à laquelle il rejoint le centre de la montagne noire. Il y restera jusqu’à la fin de l’année 1972. On le retrouve ensuite à Saint Auban.
Troisième RG
Au mois de juin 1975, il rejoint de nouveau Castelnauday pour effectuer une nouvelle « Grande Visite » qui se termine le 5 décembre. Des défauts au niveau de l’entoilage contraignent à la réfection de celui-ci sur les deux ailes. Le FV est alors à Saint-Auban.
1978, les cellules vieillissent et le FV employé en montagne est soumis à de fortes contraintes mécaniques dues notamment au vol en sous-ondulatoire (ceux qui en ont fait comprendront ce que je veux dire…). Résultat le cadre 12 présente des faiblesses et doit être contrôlé sur toute la flotte. Cette vérification montera que le cadre du FV n’est pas au mieux (voir cliché ci-dessous). Fort heureusement il sera refait, une réparation que je contrôlerai pour m’assurer que depuis tout ce temps tout va bien de ce côté là. Les travaux se déroulent du 08 mai au 14 juin 1979. La dernière visite du planeur aura lieu le 01 juillet 1980 à Saint Auban, Rien d’inquiétant n’était alors à signaler.
Arrêt de vol et cession
La suite des événements sont à la fois heureux et malheureux. En effet, la machine sera remise à Aero-Retro à Saint Rambert d’Albon. Il semble que le planeur restera stocké là et que ce soit durant cette période que l’ensemble de ses instruments de vol « s’évaporent ». Quelques sangles du harnais EFA 602, ainsi que les casquettes des tableau de bord et la poignée d’évacuation avant disparaîtront également. D’un autre côté – et c’est là le côté heureux de la chose -, le planeur est resté dans son jus, rien n’a bougé depuis son dernier vol le 27 novembre 1980 date à laquelle il est arrêté en attente de GV.
Changement de propriétaire
En 2001, Jean Molveau achète le planeur en l’état et le stocke. Dans ses pérégrinations, la machine aura subi quelques dommages structuraux, sans que je sache exactement de quand elles datent.
Le FV et moi…
Le coup de coeur !
Je le découvrirai en septembre 2013, moment où il faut bien le dire, j’ai craqué pour cette cellule stockée dans un coin de hanger d’un petit terrain privé de la grande région tourangelle. Je l’acquérais au printemps suivant.
J’ai donc fini par acquérir ce magnifique planeur conscient que la tâche à accomplir avant de pouvoir en profiter dans les airs est particulièrement importante, enfin en tout état de cause, l’équation posée était la suivante: planeur ancien collé caséine + réputé pour être complexe en terme de mécanique et d’entretien = tout ce qu’il faut pour un vélivole mécano.
Bref un bel os à ronger et quelques années de travail en perspective…
Nouveau voyage pour le 904!
Premiers contacts avec la machine et premiers ennuis.
Début des hostilités, objectif: ramener à Compiègne la bête. Les dimensions ne facilitent pas la tâche, avec ses 20 m d’envergure c’est plutôt un monstre même démonté ajoutons à cela une corde à l’emplanture plus importante que les planeurs modernes, un sommet de dérive approchant les 2 m et vous avez un beau problème à résoudre. Habituellement les planeurs ont une remorque ici, ce n’est pas le cas, il faudra donc se débrouiller autrement.
On m’offre de me prêter pour l’occasion une remorque plateau de 8 m (merci Patrick!).
Faute de mieux on fera avec, il faut juste s’assurer que réglementairement tout passe, poids du tracteur, de la remorque, assurances, textes du code de la route, bref tout y passe, d’autant qu’il ne s’agit pas de faire quelques malheureux kilomètres.
Le 3 mai 2014 avec quelques copains nous prenons la route au petit matin en direction de la Touraine.
Arrivé sur place après environ 4 heures de route, je découvre un problème de poids: un Breguet 904, même en morceaux, c’est lourd! Très lourd… Par chance, nous avons pu embaucher quelques costauds (encore merci aux costauds de passage) pour transporter les trois éléments principaux sur le plateau.
Une fois ce travail effectué et après avoir amarré le tout, nous voici prêts pour la route. Convoi atypique, on s’est fait à peine remarquer…
Après plusieurs centaines de kilomètres et à la louche 7 heures de route (à comparer avec les 4 heures de l’aller) nous arrivons enfin à Compiègne… La remorque est poussée vite fait au fond du hangar du Cercle des Machines Volantes. Il fait nuit, on est tous claqués, pour la suite des événements, ce sera pour le lendemain…
Après une bonne nuit de sommeil, nous nous attelons au déchargement. Avec quelques moyens mécaniques on s’en sort plutôt bien. Rien n’a été abîmé pendant le trajet. La machine est dans son jus, à ce propos, pendant que papa décharge, ses filles ont jugé qu’il fallait nettoyer…
Au final, l’entreprise n’aura pas été simple mais aura été rendue possible par l’ensemble des acteurs qui ne sont venus en aide. Merci à tous.
Le Fox Victor a déménagé! J’ai été appelé à travailler sous d’autres cieux, le planeur a donc quitté Compiègne pour venir s’établir dans la région toulousaine.
Le Breguet 904 est un gros morceau (c’est le moins que l’on puisse dire et nous l’avons déjà vu plus haut). Ne disposant toujours pas de remorque et compte tenu d’un emploi du temps extrêmement serré, j’ai décidé de passer par un transporteur pour acheminer la marchandise.
Moyennant une facture somme toute raisonnable vu le type de véhicule utilisé, le FV a fait un voyage en semi-remorque. Je n’ai pas eu le temps de réaliser un reportage photo du chargement somme toute relativement délicat, mais vous trouverez ci-dessous quelques photos du déchargement.
Le Fox Victor a déménagé! J’ai été appelé à travailler en Guyane (cieux bien trop humides pour une machine ancienne), le planeur a donc quitté Compiègne pour venir s’établir dans la région toulousaine le temps de mon séjour.
Compte tenu d’un emploi du temps extrêmement serré, du fait que le Breguet 904 est un gros morceau (c’est le moins que l’on puisse dire et nous l’avons déjà vu plus haut), et ne disposant toujours pas de remorque et j’ai décidé de passer par un transporteur pour acheminer la marchandise.
Moyennant une facture somme toute raisonnable vu le type de véhicule utilisé, le FV a fait un voyage en semi-remorque. Je n’ai pas eu le temps de réaliser un reportage photo du chargement somme toute relativement délicat, mais vous trouverez ci-dessous quelques photos du déchargement.
Actuellement le planeur est toujours stocké en attente de restauration.
Depuis peu de retour en métropole, et demeurant locataire, je n’ai pour l’instant pas la possibilité de l’installer à proximité immédiate de mon domicile et donc de commencer sérieusement le travail sur la cellule.
Mais les choses ne sont pas pressées et attandant de disposer du local rêvé, je poursuis le travail de préparation qui fait à mon sens intégralement parti de la restauration.
Je m’emploie à acquérir peu à peu, les outillages, certaines pièces et la matière nécessaire aux travaux, avant de lancer ceux-ci.
Je remettrai à jour, cette page au fur et à mesure des évolutions majeures, et périgrinations qui suivront…